Loi1881.fr

QPC sur l'alinéa 5 de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982

l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 protège la liberté d'expression.

Cet alinéa :
"Lorsque l'infraction résulte du contenu d'un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message."

L'article 6-I-3 de la LCEN :
"3. Les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible.
L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa."

1. La situation d'un directeur de la publication qui permet aux visiteurs de son site d'ajouter du contenu sur son site

8 juin 2000, la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil comporte un article 14 "Hébergement" et un article 15 "Absence d'obligation générale en matière de surveillance".
21 juin 2004, la directive est retranscrite en droit français par l'article 6 de la loi n° 2004-575 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN).

Les juges de première instance et d'appel définissent pour quels contenus un gérant d'un site est considéré comme un éditeur et donc directement responsable du contenu; comme un hébergeur et donc bénéficie d'une responsabilité conditionnelle.

Les plus hautes cours ont aussi leur mot à dire. En voici quelqu'uns :
CJUE, Google France SARL et Google Inc. c. Louis Vuitton Malletier SA e.a., 23 mars 2010, affaires jointes C-236/08 à C238/08 : "l’article 14 de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée s’applique au prestataire d’un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées. S’il n’a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu’il a stockées à la demande d’un annonceur à moins que, ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d’activités de cet annonceur, il n’ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données."

Cour d’appel de Paris Pôle 2, chambre 7 Arrêt du 11 décembre 2013 :
"Considérant que l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 23 mars 2010, a fixé aux points 116, 117 et 118 les principes qui guident l’analyse des juges nationaux ; ...
Considérant que ces constatations objectives prévalent sur les références, par le tribunal, aux articles des clauses générales d’AdWords car, ainsi qu’il a été conclu par les défenderesses, rien dans ce document ne démontre que les sociétés Google sont intervenues dans le choix des mots clés ou dans le rédaction de l’annonce, l’article 4.1 de ces conditions générales stipulant que le client est seul responsable des cibles des messages publicitaires et des informations accessibles sur les pages web ;

Considérant que pour ces motifs qui procèdent de l’analyse concrète du processus de création et de mise en ligne de l’annonce incriminée au regard des critères définis par la décision susvisée de la Cour de Justice des Communautés Européennes, la cour, infirmant le jugement sur ce point, estime que le statut des sociétés Google est celui de l’hébergeur, qui n’est pas soumis à l’obligation de contrôle a priori des contenus fournis par les annonceurs selon la loi dite sur la communication numérique du 21 juin 2004 ;"

Arrêt n° 862 du 13 juillet 2010 (06-20.230) - Cour de cassation - Chambre commerciale, financière et économique
" Attendu que la Cour de justice de l’union européenne a dit pour droit (C- 236/08, 23 mars 2010)
...
Attendu que pour refuser aux sociétés Google le bénéfice de ce texte, l’arrêt retient qu’elles ne se bornent pas à stocker des informations publicitaires qui seraient fournies par des annonceurs mais qu’elles déploient une activité de régie publicitaire, ...
Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;"

La société Google Inc est l'éditrice du moteur de recherche Google (extrait du site de google : "Les Services sont fournis par la société Google Inc. (ci-après « Google »), sise au 1600 Amphitheatre Parkway, Mountain View, CA 94043, États-Unis"). Le service "Adwords" permet aux visiteurs du site de Google de créer eux-mêmes une campagne de publicité, en choisissant le texte ou le visuel de la campagne et les mots clés pour lesquels la campagne va s'afficher sur le site de Google. Sur une page du moteur de recherche Google va s'afficher du contenu issu de la décision de Google (le logo, le formulaire de recherche, les menus ...) mais aussi du contenu issu du service Adwords, donc de tiers. La société Google est donc à la fois éditrice du site Google et considéré comme un hébergeur (de contenus) concernant les publicités Adwords.

Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du jeudi 17 février 2011 N° de pourvoi: 09-13202 : "Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que l'activité de la société Bloobox-net, créatrice du site www.fuzz.fr, se bornait à structurer et classifier les informations mises à la disposition du public pour faciliter l'usage de son service mais que cette société n'était pas l'auteur des titres et des liens hypertextes, ne déterminait ni ne vérifiait les contenus du site, en a exactement déduit que relevait du seul régime applicable aux hébergeurs, la responsabilité de ce prestataire, fût-il créateur de son site, qui ne jouait pas un rôle actif de connaissance ou de contrôle des données stockées ; qu'ainsi la cour d'appel qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée a légalement justifié sa décision ;"

La société Bloobox-net est l'éditrice du site www.fuzz.fr. Elle choisit les menus, les catégories de données qui vont s'afficher sur son site. La Cour de cassation indique, qu'elle a, pour les données issues de sites internet tiers par l'intermédiaire de flux rss, le statut d'hébergeur (de contenus).

Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du jeudi 17 février 2011 N° de pourvoi: 09-67896 : " Mais attendu que l'arrêt relève que le réencodage de nature à assurer la compatibilité de la vidéo à l'interface de visualisation, de même que le formatage destiné à optimiser la capacité d'intégration du serveur en imposant une limite à la taille des fichiers postés, sont des opérations techniques qui participent de l'essence du prestataire d'hébergement et qui n'induisent en rien une sélection par ce dernier des contenus mis en ligne, que la mise en place de cadres de présentation et la mise à disposition d'outils de classification des contenus sont justifiés par la seule nécessité, encore en cohérence avec la fonction de prestataire technique, de rationaliser l'organisation du service et d'en faciliter l'accès à l'utilisateur sans pour autant lui commander un quelconque choix quant au contenu qu'il entend mettre en ligne ; qu'il ajoute que l'exploitation du site par la commercialisation d'espaces publicitaires n'induit pas une capacité d'action du service sur les contenus mis en ligne ; que de l'ensemble de ces éléments la cour d'appel a exactement déduit que la société Dailymotion était fondée à revendiquer le statut d'intermédiaire technique au sens de l'article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 ;"

La société Dailymotion est l'éditrice du site Dailymotion. Elle choisit les menus, les conditions d'utilisation... La Cour de cassation indique, qu'elle a, pour les vidéos soumises par les visiteurs du site, le statut d'hébergeur (de contenus).

Il ressort donc de la jurisprudence qu'une personne physique ou morale peut être à la fois éditrice d'un site internet et hébergeur du contenu ajouté par des tiers, les visiteurs du site, quand ces contenus n'ont pas fait l'objet d'une modération à priori, quand ces contenus n'ont pas été ajoutés par une personne sous l'autorité de la personne éditrice du site internet.

La responsabilité allégée définie à l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique s'applique donc à un site qui permet à ces visiteurs d'ajouter des vidéos, d'écrire un message sur un forum de discussion non modéré à priori, d'écrire des commentaires sur un billet d'un blog, d'écrire un message sur un mur d'un réseau social.

Le visiteur d'un site internet qui décide d'ajouter du contenu sait que le gérant du site n'est pas responsable directement du contenu qu'il ajoute, que le gérant du site n'a pas à censurer tout propos où pointerait un début de critique.
Le plaignant sait qu'il pourra obtenir du gérant du site le retrait du contenu contesté ou avoir un responsable à qui demander réparation si le gérant du site refuse le retrait.
Le gérant du site sait qu'il n'est pas responsable pour des contenus ajoutés par des tiers tant qu'il n'est pas contacté au sujet d'un contenu.

La directive et la LCEN sont bien équilibrées et ont réussi à établir la confiance dans l'économie numérique.

2. L'objectif du législateur en 2009

Lors de l'examen du projet de loi "PROTECTION DE LA CRÉATION SUR INTERNET", l'amendement n°201 comprend l'ajout d'un alinéa (le futur 5ème de l'article 93-3) avec cet exposé de motif :
"Le régime de responsabilité éditoriale des services de communication est ligne est parallèlement adapté. En effet, le dispositif de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 présume le directeur de publication responsable à titre principal des délits de presse commis sur le service de communication au public en ligne qu’il publie, lorsque les messages ont fait l’objet d’une fixation préalable. Cette présomption apparaît délicate à mettre en œuvre pour les espaces de participation personnelle (forums de discussion, blogs) faisant appel à la contribution et à la participation des internautes.
Aussi est-il proposé de prévoir que les contributions des internautes donnent lieu à un régime de responsabilité atténué, quel que soit le type de modération adopté, et qu’elles n’engagent pas la responsabilité du directeur de publication à titre principal, sauf s’il avait effectivement connaissance du contenu mis à la disposition du public.
"

Dans le compte-rendu de la séance du 11 mars 2009 de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, on peut lire :
" Puis elle accepte l’amendement n° 201 de M. Jean Dionis du Séjour ayant pour objet de créer un statut d’éditeur de presse en ligne et permettant d’adapter le régime des délits de presse lorsque le délit résulte d’un message adressé par un internaute et mis à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié."

3. Les conséquences du vote de la loi et les questions qui en découlent

La responsabilité civile d'une personne éditrice d'un site internet pour du contenu qu'elle ajoute elle-même, est pleine et immédiate. Pour du contenu ajouté par des tiers, sa responsabilité civile (pour une atteinte à la vie privée par exemple) est engagée selon l'article 6-I-2 de la loi sur la confiance en l'économie numérique.
La responsabilité pénale d'une personne éditrice d'un site internet pour du contenu qu'elle ajoute elle-même, est pleine et immédiate. Pour du contenu ajouté par des tiers, sa responsabilité pénale est engagée selon l'article 6-I-3 de la loi sur la confiance en l'économie numérique. Ainsi, pour le délit d'usurpation d'identité, elle ne devient responsable que si elle ne retire pas promptement le fait illicite suite à une notification complète selon l'article 6-I-5 de la loi sur la confiance en l'économie numérique.
Dans le cas d'une infraction prévue par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et découlant d'un message ajouté par un visiteur d'un site internet, la responsabilité pénale de la personne éditrice du site peut aussi être engagée selon les conditions définies à l'alinéa 5 de l'article 93-3 de la loi sur la communication audiovisuelle.
1. Le fait qu'un hébergeur de contenus ajoutés par des tiers, ne puisse pas voir sa responsabilité pénale engagée selon une seule loi pour tous les délits pénaux nuit-il au principe de prévisibilité nécessaire de la loi affirmé par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?

Cour de cassation chambre criminelle Audience publique du mardi 30 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-88562 : "Attendu que, d'une part, pour retenir la responsabilité du prévenu en raison de sa qualité de directeur de publication du blog sur lequel le commentaire litigieux d'un internaute a été mis en ligne le 8 avril 2010, l'arrêt retient que M. X... a reconnu qu'il vérifiait les commentaires postés sur son blog une fois par semaine hors période électorale, et une à deux fois par mois durant le temps électoral, que les élections régionales, auxquelles M. X... participait, se sont terminées le 21 mars 2010, et qu'ainsi il a nécessairement eu connaissance du commentaire litigieux dans le courant du mois d'avril 2010 ; que les juges en déduisent qu'en ne retirant ce message qu'en juillet 2010, il est démontré que le prévenu n'a pas agi promptement, comme l'impose l'article 93-3, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1982 ;
... Attendu qu'en statuant ainsi, sans insuffisance ni contradiction, par des considérations de fait relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond, la cour d'appel a justifié sa décision
"
L'éditeur d'un site qui est aussi hébergeur de contenus ajoutés par des tiers (les commentaires d'un billet du blog dans la cas jugé par la Cour de cassation), engage donc sa responsabilité pénale du seul fait d'avoir lu un message.
Le principe d'égalité devant la loi édicté à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
2. Le fait qu'un directeur de la publication lise les messages postés par des tiers sur son site et donc engage sa responsabilité pénale concernant ces messages selon l'article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982, alors qu'un directeur de la publication qui ne lit pas les messages postés par des tiers sur son site ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée, comporte-il une raison suffisante pour pouvoir déroger au principe d'égalité devant la loi affirmé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?

3. Le fait qu'un directeur de la publication, voulant contrôler ce que disent des tiers sur son site, puisse le faire car le nombre d'ajouts de contenus par des tiers est limité, et donc que sa responsabilité pénale est engagée du fait de cette lecture selon l'article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982;  alors qu'un directeur de la publication d'un site gratuit et sans moyen matériel et humain, ayant un nombre trop important de contributions de tiers pour pouvoir toutes les lire, ne verra pas sa responsabilité pénale engagée; comporte-il une raison suffisante pour pouvoir déroger au principe d'égalité devant la loi affirmé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?

Article 6-I-7 de la LCEN : " Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites." Un hébergeur de contenus ajoutés par des tiers n'est donc pas tenu de lire les contenus ajoutés par des tiers.
4. Y-a-t il une contradiction entre l'article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982 qui indique que la responsabilité du directeur de la publication d'un site est engagée du fait de la lecture d'un message l'obligeant ainsi à rechercher des propos illicites dans ce qu'il vient de lire alors que l'article 6-I-7 de la LCEN indique que la personne qui est à la fois directeur de la publication et hébergeur de contenus ajoutés par des tiers n'a pas à lire les messages ajoutés par des tiers et n'a pas à rechercher des propos illicites; contradiction qui nuit au principe de prévisibilité de la loi affirmé par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?

Pour éviter de voir sa responsabilité engagée selon l'article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982, le directeur de la publication doit donc quand il lit un message ajouté par un tiers se demander s'il n'y a pas dans le contenu du message une diffamation, une injure ou une autre infraction prévue par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il doit se demander si un terme utilisé par un tiers, déplaisant envers une personne, reste dans la limite permise par la liberté d'expression ou est une expression outrageante, un terme de mépris ou une invective. Il doit se demander si cette possible injure n'est pas la suite d'une provocation.
Si le message qu'il lit contient l'allégation d'un fait, le directeur de la publication doit se demander si le fait est assez précis pour être l'objet d'un débat, d'une offre de preuve, si l'auteur du propos n'est pas de bonne foi, si le fait allégué est bien une atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée dans le message.
Un directeur de la publication qui permet à des tiers de s'exprimer sur son site, qui lit les messages ajoutés sur son site, qui est conscient de tout cela et qui va peut-être, être convoqué devant un juge d'instruction à l'autre bout de la France, peut renoncer à permettre aux visiteurs de son site de s'exprimer ou alors il peut préférer censurer d'une manière extrême le moindre propos critique.
5. Le fait que l'article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982 permette d'engager la responsabilité pénale d'un directeur de la publication qui a lu des messages postés par des tiers alors que l'article 6-I-3 de la LCEN ne permet d'engager sa responsabilité pénale que lorsque quelqu'un lui a signifié d'une manière complète vis à vis de l'article 6-I-5 de la LCEN, le caractère illicite d'une partie d'un message, ne porte-il pas atteinte à la liberté d'expression affirmée à l'article 11 de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 vu que le directeur de publication va retirer tout propos dangereux pour lui dès sa lecture et non seulement, lors de la réception d'une notification, alors que le propos retiré n'est pas forcément un abus de la liberté d'expression condamné par la loi ?

Article 48-6 de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : "Dans le cas de diffamation envers les particuliers prévu par l'article 32 et dans le cas d'injure prévu par l'article 33, paragraphe 2, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la personne diffamée ou injuriée."
Un visiteur d'un forum de discussion peut écrire qu'une autre personne est un escroc pour avoir fait telle ou telle chose. Si la personne visée a été condamnée pour escroquerie et que la décision est définitive, il est peu probable qu'elle porte plainte car il est facile d'apporter la preuve qu'il y a bien eu escroquerie et de ne pas se faire condamner pour diffamation bien que le propos soit diffamatoire.
Le directeur de publication ne sait pas avec certitude si la personne présentée comme un escroc a bien été condamnée, de manière définitive, pour escroquerie. S'il veut éviter d'engager sa responsabilité pénale, il va retirer le message.
6. Le fait qu'un directeur de publication qui est aussi hébergeur de contenus ajoutés par des tiers, puisse voir sa responsabilité pénale engagée pour avoir lu un message écrit par un tiers contenant une possible diffamation s'il ne retire pas le message promptement, alors que la personne visée par le propos, seule à même de déclencher les poursuites, ne s'est pas manifestée de quelque manière que ce soit, nuit-il à la liberté d'expression affirmée par l'article 11 de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 vu que le directeur de la publication va retirer le propos qui n'est pas forcément un abus de la liberté d'expression ?

Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004 : "que ces dispositions ne sauraient avoir pour effet d'engager la responsabilité d'un hébergeur qui n'a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère"
Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé Jugement du 04 avril 2013 : "Cela a pour conséquence que cet intermédiaire ne peut, par le seul fait de cette diffusion ou du maintien en ligne, être considéré comme ayant eu un comportement fautif étant précisé en outre que diffamation, à la supposer constituée, n’égale pas forcément trouble manifestement illicite."
Tribunal de Grande Instance de Paris Ordonnance de référé 20 octobre 2010 : "et que le caractère diffamatoire d’un propos n’est pas toujours de nature à convaincre de son caractère illicite – et moins encore manifestement illicite -, ce dernier pouvant être exclusif de toute faute lorsqu’il est prouvé ou se trouve justifié par la bonne foi."
Suite à cette décision du conseil constitutionnel, le directeur de la publication qui est aussi hébergeur de contenus ajoutés par des tiers, ne peut voir sa responsabilité pénale engagée, au titre de l'article 6-I-3 et d'un message ajouté par un tiers, que si le fait notifié est manifestement illicite.
7. Le fait que le législateur n'ai pas indiqué le degré d'illicéité requis pour engager la responsabilité d'un directeur de la publication qui est aussi hébergeur de contenus ajoutés par des tiers, selon l'article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982, ne porte-t-il pas atteinte à la liberté d'expression affirmée à l'article 11 de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 vu que le directeur de publication va retirer un propos qui présente le début du commencement d'un caractère illicite à ses yeux mais qui pourrait ne pas être jugé comme manifestement illicite par un tribunal, ne pas être considéré comme un abus de la liberté d'expression par un tribunal ?

Article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982 : " ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message". C'est donc le message entier qu'un directeur de la publication qui est aussi hébergeur de contenus ajoutés par des tiers, doit retirer pour éviter de voir sa responsabilité pénale engagée.
Article 6-I-3 de la LCEN : "si elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible". C'est donc l'information qui a un caractère illicite qu'un hébergeur de contenus ajoutés par des tiers, doit retirer promptement, suite à une notification complète, pour ne pas voir sa responsabilité pénale engagée.
Un message ajouté par un internaute peut avoir plusieurs parties bien distinctes et seule l'une d'entre elle présenter des informations illicites.
8. L'article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982, en permettant d'engager la responsabilité pénale d'un directeur de la publication, également hébergeur de contenus ajoutés par des tiers, s'il ne retire pas promptement la totalité du message, alors que le message contient une partie sans propos illicite et une partie avec un propos illicite, ne porte-t-il pas atteinte à la liberté d'expression affirmée à l'article 11 de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, vu que la partie du message qui ne fait l'objet d'aucun grief n'est pas un abus de la liberté d'expression et n'a donc aucune raison d'être retirée ?

Article 6-I-5 de la LCEN : "La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu'il leur est notifié les éléments suivants ...".
Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du jeudi 17 février 2011 N° de pourvoi: 09-67896 : " Mais attendu que la notification délivrée au visa de la loi du 21 juin 2004 doit comporter l'ensemble des mentions prescrites par ce texte"
Un directeur de la publication qui est aussi un hébergeur de contenus ajoutés par un tiers, ne peut pas voir sa responsabilité engagée si la notification qu'il reçoit, concernant un contenu prétendument illicite, n'est pas complète et qu'il est poursuivi sur la base de la LCEN.
L'article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982 permet d'engager la responsabilité d'un directeur de publication qui n'a pas lu un message mais qui a reçu une lettre recommandée avec avis de réception, contenant par exemple : 
"Monsieur,
Sur la page http://www.avis73.fr/courseapied.net figure un commentaire du 24-12-2015 09:12:42 posté par un certain "S". Le terme "con" est une injure à mon égard.
Je vous demande de retirer ce message.
www.courseapied.net "
Ce texte comprend les éléments essentiels et la connaissance du message est acquise aux yeux de l'article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982.
Le directeur de publication du site www.avis73.fr et hébergeur des avis publiés sur son site par des tiers, ne sait pas, en recevant ce recommandé, si sa responsabilité pénale sera engagée s'il considère que le terme "con" est une injure mais qui est absorbée par l'imputation d'un fait " j ai envoye 2 emails au webmaster et il ne m a jamais repondu", fait qui n'est pas contraire à l'honneur et, en conséquence, qu'il ne retire pas le message.
Lors de l'examen de la LCEN, 2e séance du mercredi 26 février 2003, M. Patrice Martin-Lalande a dit : "L'objectif de cet amendement, madame la ministre, est de clarifier les compétences et les responsabilités, en essayant d'instaurer un bon équilibre entre le respect de la liberté de communication, qui doit être la règle sur l'internet, et le respect des obligations légales par les utilisateurs.
    L'idée est que l'on pourrait instaurer une procédure facultative de notification qui, sous réserve que soient respectées certaines formes, permettrait à l'hébergeur d'avoir une connaissance approfondie des raisons et des auteurs d'une plainte émise contre le contenu d'un site.
    Il faudrait donc que le plaignant indique : la date de la notification ; ses nom, prénoms, domicile, nationalité, date et lieu de naissance si le notifiant est une personne physique, ou sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement si le requérant est une personne morale ; les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social ; la description des faits litigieux et leur localisation précise, notamment dans le serveur, en indiquant les pages visées ; les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ; la copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations ou activités litigeuses, demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté.
    Enfin, il est proposé que toute personne notifiant un fait qu'elle sait totalement ou partiellement inexact soit passible de sanctions au code pénal, cela pour dissuader les plaintes abusives.
    En pouvant, grâce à cet amendement, saisir dans des formes bien claires les hébergeurs, les internautes seront sûrs que ces derniers seront pleinement informés des faits litigieux. De leur côté, le fait d'avoir une connaissance claire de ce qui est demandé, de l'origine et de la raison de la demande et de savoir que les plaintes abusives sont sanctionnées, permettra à l'hébergeur d'avoir les moyens d'apprécier ce qui éventuellement peut être préjudiciable dans le contenu des sites qu'il héberge et de pouvoir prendre les mesures qui s'imposent. J'ajoute que, comme le plaignant ou le notifiant sera obligé de saisir avant l'éditeur du site, ce dernier sera mis au courant du fait qu'on reproche à ce site de contenir des informations illicites et pourra se concerter avec l'hébergeur pour défendre ses droit face à la plainte dont il est l'objet.
    Nous disposerions ainsi d'un système équilibré dans lequel l'hébergeur et le requérant, en respectant chacun une certaine procédure, seraient pleinement informés. Il limiterait les contestations abusives auprès du prestataire et donnerait à celui-ci les éléments pour prendre clairement ses responsabilités.
"
Article 6-I-4 de la LCEN : " Le fait, pour toute personne, de présenter aux personnes mentionnées au 2 un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d'en obtenir le retrait ou d'en faire cesser la diffusion, alors qu'elle sait cette information inexacte, est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 Euros d'amende."
Le législateur a donc prévu qu'il pourrait y avoir des abus de la part d'une personne qui est visée par des propos critiques, qui justifie sa demande de retrait par des arguments qu'elle sait inexacts.
Le législateur a prévu une longue liste d'éléments requis à l'article 6-I-5 de la LCEN pour éviter qu'un hébergeur ne doive se plier à la demande qui lui est faite, quand le propos est déplaisant mais non illicite et que la demande est incomplète. L'hébergeur a alors deux arguments pour justifier sa position : le fait n'est pas ce que le plaignant indique, la demande est incomplète.
Si le directeur de la publication ne sait pas selon quelle loi sa responsabilité pénale peut être engagée, alors il n'a plus l'argument de la demande incomplète pour refuser le retrait du propos prétendument illicite. L'argument sur la nature non illicite du propos étant beaucoup moins sûr devant un tribunal, le directeur de la publication qui est aussi hébergeur de contenus ajoutés par des tiers, va choisir de ne pas prendre de risque et faire ce que l'on lui demande.
9. Le fait pour un directeur de publication et aussi hébergeur de contenus ajoutés par des tiers de ne pas savoir selon laquelle des deux lois (article 6-I-3 de la LCEN ou l'article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982) sa responsabilité pénale peut-être engagée pour des propos tenus par des tiers, suite à une notification envoyée par la personne qui est visée par des propos prétendument injurieux ou diffamatoires, notification complète selon une loi et incomplète selon l'autre, nuit-il au principe de prévisibilité de la loi affirmé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 vu que le directeur ne sait pas s'il commet un délit ou non en laissant le message, et au final à la liberté d'expression affirmée à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 vu que le directeur de la publication va retirer un propos qui n'est pas forcément un abus de la liberté d'expression pour éviter des ennuis judiciaires car il se place dans la configuration qui lui est la plus défavorable vis à vis des deux lois précitées ?

L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Un gérant d'un site qui permet à ces visiteurs d'ajouter du contenu sur son site peut être poursuivi selon l'article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982 et selon l'article 6-I-3 de la LCEN. Deux personnes différentes dans deux affaires différentes, peuvent donc être jugées selon une loi différente, alors qu'elles ont réalisées des actes parfaitement similaires.
10. Le fait qu'un juge puisse retenir la responsabilité pénale d'une personne qui est directrice de la publication et hébergeur de contenus ajoutés par des tiers, de matière arbitraire selon l'article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982 ou l'article 6-I-3 de la LCEN, contrevient-il au principe d'égalité devant la loi affirmé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?

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