Loi1881.fr

QPC sur l'article 198 du code de procédure pénale

l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 protège la liberté d'expression.

Pour un abus de la liberté d'expression, on peut être mis en examen par un juge d'instruction suite à une plainte avec constitution de partie civile. On peut choisir de se défendre sans avocat. Si une décision du juge d'instruction nous semble ne pas être conforme à la loi, il est possible de faire appel, cela se passe alors devant la chambre de l'instruction d'une cour d'appel. La question qui est posée dans cette question prioritaire de constitutionnalité est de savoir comment il est possible de faire parvenir un mémoire à la chambre de l'instruction quand on habite à des centaines / milliers / dizaines de milliers de kilomètres de la cour d'appel.

La question

Imaginons deux personnes qui échangent sur un forum de discussion sur internet sous pseudonyme. L'une d'elle injurie l'autre. La personne injuriée porte plainte avec constitution de partie civile, ceci sans avocat, auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance du ressort de sa commune : Saint-Pierre sur l'Ile de la réunion, donc auprès du TGI de Saint-Pierre sur l'Ile de la réunion. Le juge d'instruction saisi obtient de l'hébergeur du site internet l'adresse ip de la personne qui a injurié et obtient du fournisseur d'accès à internet les coordonnées de la personne à qui l'adresse ip a été affectée. Cette personne habite à Saint-Pierre, sur les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon. Cette personne choisit de se défendre sans avocat, et est mise en examen par un juge d'instruction. La partie civile demande la nullité d'un acte auprès de la cour d'appel de Saint-Denis, sur l'île de la Réunion. La personne mise en examen reçoit la notification de la date de l'audience et veux produire un mémoire pour défendre son point de vue. L'article 198 du code de procédure pénale lui laisse deux possibilités pour que son mémoire soit étudié par la chambre de l'instruction : prendre un avocat ou faire le déplacement des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon à l'île de la Réunion pour déposer en personne son mémoire, ce qui génère un coût important dans les deux cas. La partie civile veux ajouter un moyen à sa requête sous forme d'un mémoire, elle doit alors se déplacer de Saint-Pierre sur l'ile de la Réunion à Saint-Denis sur l'île de la Réunion, ce qui est nettement plus abordable en terme de coût.

Du fait de la distance, il y inégalité dans l'exercice des moyens de défense pour ces deux parties qui ont, toutes les deux, choisi de se défendre sans avocat.

Si la partie civile a choisi de se défendre avec un avocat et que la personne mise en examen, qui a choisi de se défendre seule, n'habite pas dans le ressort de la cour d'appel où siège la chambre de l'instruction, il y a aussi inégalité dans l'exercice des moyens de défense vu que la personne mise en examen devra faire un long déplacement pour déposer son mémoire auprès de la chambre de l'instruction.

Décision n° 2011-160 QPC du 9 septembre 2011
"que, toutefois, dès lors qu'est reconnue aux parties la liberté de choisir d'être assistées d'un avocat ou de se défendre seules, le respect des principes du contradictoire et des droits de la défense interdit que le juge d'instruction puisse statuer sur le règlement de l'instruction sans que les demandes formées par le ministère public à l'issue de celle-ci aient été portées à la connaissance de toutes les parties ; que, dans la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 175 du code de procédure pénale, les mots : « avocats des » ont pour effet de réserver la notification des réquisitions définitives du ministère public aux avocats assistant les parties ; que, par suite, ils doivent être déclarés contraires à la Constitution ;"
Le conseil constitutionnel rappelle qu'une partie est libre de se défendre seule et que les principes du contradictoire et des droits de la défense doivent être respectés pour une telle personne.

Article 173 du code de procédure pénale :
"Lorsque le demandeur ou son avocat ne réside pas dans le ressort de la juridiction compétente, la déclaration au greffe peut être faite au moyen d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception."
Pour lancer la procédure devant la chambre de l'instruction, quelque soit la configuration, les parties sont à égalité pour exercer leur moyens de défense. Mais il n'en est pas de même une fois la notification de la date de l'audience reçue par les parties.

Cour de cassation chambre criminelle Audience publique du mardi 12 juin 2012 N° de pourvoi: 12-90029 Non publié au bulletin
"Et attendu que la question posée ne présente pas, à l'évidence, un caractère sérieux en ce que la faculté réservée, par l'article 198, alinéa 3, du code de procédure pénale, aux seuls avocats qui n'exercent pas dans la ville où siège la chambre de l'instruction d'adresser un mémoire par télécopie ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ne tend qu'à rétablir l'égalité entre leur situation et celle des autres avocats"
Cet argument ne tient que dans le cas où les deux parties ont choisi de se défendre avec un avocat. Il ne tient pas si l'une des parties ou les deux parties ont choisi de se défendre sans avocat.

L'article 198 du code de procédure pénale, en ce qu'il ne permet pas à une personne mise en examen se défendant seule et n'habitant pas dans le ressort de la cour d'appel siège de la chambre de l'instruction saisie, de faire parvenir son mémoire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe de la chambre de l'instruction, nuit-il au principe d'égalité défini à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789; au principe du contradictoire et au respect des droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?

La décision de la cour de cassation après transmission de la qpc de la chambre de l'instruction à la cour de cassation :

Et attendu que la question ne présente pas un caractère sérieux en ce qu’en prévoyant une dérogation à l’obligation pour les parties et leurs avocats de déposer leurs mémoires au greffe de la chambre de l’instruction au bénéfice du seul avocat ne résidant pas dans la ville où siège cette juridiction, en lui permettant d’adresser son mémoire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le législateur a concilié l’exigence de sécurité juridique à laquelle répond cette formalité, destinée à assurer une date certaine au dépôt des mémoires, avec les contraintes spécifiques inhérentes à la profession d’avocat ;

 

Qu’en effet, contrairement à la partie qui accomplit une formalité dans la seule procédure qui la concerne, l’avocat qui est tenu de le faire au nom de son client, au risque, à défaut, d’engager sa responsabilité professionnelle à l’égard de la partie qu’il représente, a la charge d’un cabinet comprenant un ensemble de clients pour lesquels il doit, dans le même temps, effectuer des actes de procédure distincts devant des juridictions différentes ;

D’où il suit que la disposition critiquée, qui ne comporte en elle-même aucune restriction au principe du contradictoire et au respect des droits de la défense, n’a pas pour effet de porter une atteinte injustifiée au principe d’égalité au détriment des parties qui, ayant choisi de se défendre sans l’assistance d’un avocat, résident en dehors de la ville où siège la chambre de l’instruction, par rapport à celles qui ont fait le choix d’un avocat présentant les mêmes conditions de résidence ;

 

Convaincu par ces arguments ???

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